Résumé

Des textes historiques très nombreux ont été produits de manière continue en syriaque du VIe au XIVe siècle. L’écriture de l’histoire naît dans cette langue avec les convulsions christologiques qui entraînent le développement de l’Église syro-orientale dans l’empire sassanide et la séparation progressive de l’Église syro-orthodoxe dans l’empire romain. C’est pour raconter l’histoire de leurs communautés que les Églises de langue syriaque ont produit histoires ecclésiastiques et chroniques. C’est aussi pour expliquer les événements dramatiques que sont famines, épidémies, catastrophes naturelles, victoires des peuples ennemis non chrétiens (sassanides, arabo-musulmans, mongols), mais aussi la cohabitation difficile avec les frères ennemis des autres confessions chrétiennes (y compris les Francs à l’époque des Croisades), que s’élabore une théologie de l’histoire à l’œuvre dans ces textes. L’historiographie est sans doute le seul champ littéraire où co-existent deux traditions d’écriture différentes correspondant à des histoires différentes des communautés, dans l’empire romain d’un côté, dans le royaume sassanide de l’autre, qui subsistèrent après l’unification politique réalisée par les conquêtes arabo-musulmanes : l’une syro-occidentale puisant dans la Chronique d’Eusèbe et les histoires ecclésiastiques de ses successeurs ses modèles ainsi que sa matière, l’autre syro-orientale, fondée sur des biographies, à la manière de la tradition historiographique des écoles philosophiques grecques. Quand l’usage de l’arabe commença à se généraliser dans les cercles cultivés de ces Églises, furent produits des textes bilingues ou des histoires en arabe, qui, comme les textes syriaques eux-mêmes, empruntèrent du matériel historique à des sources musulmanes, aujourd’hui partiellement ou à peu près complètement disparues.

Ce volume s’adresse aussi bien aux byzantinistes qu’aux islamisants et plus largement à tous les spécialistes d’historiographie, la tradition syriaque représentant une branche vive de l’historiographie tardo-antique et médiévale. Il est destiné aussi à tous ceux qui s’intéressent à la manière dont les communautés de langue syriaque ont écrit leur histoire et constitué leur identité, entre hellénisme et islam, en réponse aux troubles des temps.

Sommaire
  • M. DEBIE – L’héritage de l’historiographie grecque
  • G. GREATREX – Le pseudo-Zacharie de Mytilène et l’historiographie syriaque au VIe s.
  • A. PALMER – Les chroniques brèves syriaques
  • A. HARRAK – La victoire arabo-musulmane selon le chroniqueur de Zuqnin (VIIIe siècle)
  • D. WELTECKE – Les trois grandes chroniques syro-orthodoxes des XIIe et XIIIe siècles
  • A. BORRUT – La circulation de l’information historique entre les sources arabo-musulmanes et syriaques : Élie de Nisibe et ses sources
  • H. TEULE – L’abrégé de la chronique ecclésiastique Muhtasar al-ahbār al-bī῾iyya et la chronique de Séert. Quelques sondages
  • K. RIZK – Pour une édition des Annales de Douaihi
  • R. THOMSON – L’historiographie arménienne