C’est en servant de véhicule à des genres proprement liturgiques, telles que l’hymne (madroso) et l’homélie métrique (mimro), que le dialecte de l’Osrhoène s’est rapidement distingué pour connaître la fortune littéraire que l’on sait. La « syriacité », comme culture, est née pour ainsi dire à l’ombre de la liturgie et a toujours trouvé en elle, jusque dans les situations précaires qui sont aujourd’hui les siennes, un signe identitaire de premier ordre autant qu’un facteur de cohésion. Qu’il s’agisse du vaste ensemble monumental du massif Calcaire, de la foisonnante production d’anaphores syro-occidentales, de l’hymnographie d’Éphrem ou des bréviaires, nous retrouvons partout la marque d’une même vitalité créatrice. Reste qu’à raison de la conservation d’archaïsmes remarquables, mais aussi de la multiplication des structures rituelles qu’ont entraînée les grandes ruptures théologiques consécutives à Chalcédoine, l’attraction byzantine et les divers rattachements à Rome, ce monde singulièrement pluriel se présente à notre regard occidental, souvent sommaire et mal averti, sous un aspect quelque peu touffu et insaisissable.
Aussi un ouvrage tel que celui-ci trouvait-il toute son opportunité. Tenant compte, non seulement de la complexité propre au domaine syriaque, mais de la richesse inhérente au fait liturgique en lui-même, il propose une approche plurivoque des faits, en procédant depuis les grandes dimensions que tout système liturgique met en forme – à savoir l’espace et le temps – vers les ensembles rituels majeurs, les documents qui les consignent et tel ou tel élément typique.
Utile à quiconque désire tout simplement se faire des idées plus claires et plus distinctes en la matière, ce volume se recommandera certainement aussi, par sa méthode, auprès des liturgistes proprement dits, étant bien entendu que si parfois les pierres se taisent, il n’est de liturgie que des vivants.